Marco Dibeltulu : Sardaigne élementaire et autres paysages

MARCO DIBELTULU

Natural soundscape and states of mind

Cette collection de pièces rassemblées pour les auditeurs de webSYNradio est inspirée par le paysage sonore. Les cinq premières pièces* évoquent le paysage naturel, elles font référence aux quatre éléments, dans le but de créer une carte postale sonore et d’interpréter l’âme millénaire de la Sardaigne.
Chansons populaires, instruments traditionnels et événements culturels mêlent leurs voix et racontent l’histoire de l’homme.
Les sixième et septième œuvres** voyagent dans l’espace intérieur. Il s’agit de pièces plus introspectives qui explorent l’inconscient et les espaces infinis et inconnus de l’esprit humain.
Enfin, les deux dernières*** évoquent l’espace urbain, une réalité assourdissante, où les bruits naturels du monde sont noyés dans ceux des machines : rien de plus naturel dans un scénario aliénant où l’homme erre sans but.

The collection of pieces gathered for webSYNradio is inspired by the soundscape. The first five pieces* evoke the natural landscape, they refer to the four elements, with the aim of creating a real sound postcard and interpreting the millenary soul of Sardinia. Popular songs, traditional instruments and cultural events blend their voices and narrate the history of man.
The sixth and seventh works** travel through interior space. These are more introspective
pieces that explore the unconscious and the infinite and unknown spaces of the human
mind.
Finally, the last two*** evoke urban space, a deafening reality, where the natural sounds of
the world are drowned out by those of machines.
Nothing is more natural in an alienating scenario where man wanders aimlessly.

* Microclima, Microclima II, Microclima III, Quadri degli elementi, Due atomi di idrogeno e
uno di ossigeno ;
** Nello spazio sommerso, Lo strappo nel cielo di carta ;
*** Sguardo contemporaneo, Il nastro di Möbius.

0′ -> MICROCLIMA (1999)
La pièce est née de l’idée de créer des « cartes postales sonores » et de les accompagner de photographies de la Sardaigne. Le titre représente Gallura et Tempio Pausania, sa capitale. Ce lieu est caractéristique et différent du reste de la Sardaigne, tant au niveau du paysage, de la langue, de la culture et de l’urbanisme.
Le terme est utilisé avec affection par l’auteur qui considère Tempio comme un lieu cher et intime.
Des sons synthétiques et concrets sont utilisés dans la pièce, avec quelques citations de la chanson « a tasgia », une polyphonie vocale de Gallura, et l’accordéon, instrument utilisé pour accompagner « lu baddhittu », une danse typique de la Gallura. L’intention est donc d’évoquer des images dans l’esprit de l’auditeur, remplissant ainsi l’objectif de créer une véritable carte postale sonore indépendante des images qui lui sont associées.

3’32 -> MICROCLIMA II (2004)
L’intention de l’auteur est d’associer les techniques électroacoustiques et la musique traditionnelle sarde.
La composition aboutit à une image sonore de l’ancienne terre de la Méditerranée et évoque les sons de la nature, la voix du peuple et l’atmosphère de ses traditions et de ses couleurs.
Il est possible de reconnaître le traditionnel « Canto a Tenore », un exemple typique de musique polyphonique vocale et le son des « Launeddas », l’instrument de musique traditionnel composé de trois tuyaux.

9’27 -> MICROCLIMA III (2017)
L’œuvre est née grâce à une commande des Amici della Musica di Cagliari et à l’union de deux projets, Tradition et Modernité et Erasmus Plus – The soundscape we live in pour mettre en valeur le patrimoine sonore identitaire de la Sardaigne en enregistrant les sons de la « Festa di Sant’Efisio », la plus importante procession religieuse de l’île.
Le matériel sonore a ensuite été remis à cinq compositeurs qui ont produit des pièces qui ont ensuite été proposées dans des installations multicanaux en diverses occasions. Cette composition est spécifiquement dédiée aux « Traccas », des charrettes ornées d’outils utilisés dans les champs pour cultiver les produits typiques de la gastronomie sarde, tirées par des bœufs, avec à leur bord des hommes, des femmes et des enfants vêtus d’habits traditionnels, qui chantent des mélodies religieuses typiques. L’œuvre permet à l’auditeur de vivre l’expérience de la fête uniquement à travers les sons normalement subordonnés aux images, l’exposant ainsi à un paysage sonore évocateur.

12’43 -> QUADRI DEGLI ELEMENTI (2019)

Cette composition électroacoustique, commandée par Amici della Musica di Cagliari, a un but didactique et est divisée en quatre parties différentes inspirées par les quatre éléments de la nature : l’air, l’eau, la terre et le feu. Les quatre éléments ont été associés à des sections instrumentales et à différents genres musicaux. Chaque section est composée de deux parties différentes : l’une est composée de sons naturels enregistrés dans le cadre du projet Erasmus Plus – The soundscape we live in, l’autre est composée de sons produits par des instruments de musique joués par des étudiants du Liceo Musicale « D. A. Azuni » de Sassari (Samuele Cossu, Gabriele Fais, Fabio Foddai, Federico Pintus, Nicola Roggio et Enrico Serra) qui ont improvisé selon leur propre sensibilité et leur propre goût. Si la partie naturaliste n’a pas été traitée, la partie instrumentale a été élaborée en ce qui concerne l’édition, la hauteur, le timbre et le rythme.
Dans la section consacrée aux sons de l’air, en plus du son d’une éolienne et de ceux produits par un orage, on distingue les cris des mouettes et ceux de divers oiseaux qui contrastent avec les lignes mélodiques de certains instruments à vent. La référence à la forme musicale « aria » n’est pas fortuite car elle exprime de la même manière son caractère chantant, presque un hommage au néoclassicisme.
La deuxième section est consacrée à l’eau. Les sons naturels de la mer qui se brise sur la plage et sur les rochers et ceux d’un ruisseau de montagne sont associés à des percussions.
Cette partie a un caractère atonal et utilise un langage contemporain. Il y a une sorte d’imitation entre certains objets sonores synthétiques et le son de l’eau.
La troisième section est consacrée aux sons de la terre et est associée à la voix.
Le protagoniste est l’humanité et ses manifestations culturelles, telles que le sacré et la tradition populaire. Les sons naturels, comme le chant des cigales, introduisent un paysage sonore estival mais c’est l’intervention de deux chœurs sardes, le « Coro Gabriel » de Tempio Pausania et le chœur « Cuncordu Lussurzesu » de Santu Lussurgiu, qui conduisent l’auditeur vers une atmosphère mystique.
La dernière section combine les sons produits par le feu avec ceux des instruments à cordes.
Cette partie apparaît comme un hommage à la musique classique, mais elle utilise ensuite un langage contemporain.
Le crescendo, l’accélération et la plus grande densité du final, presque chaotique, avec des feux d’artifice et des pizzicatos qui remplacent progressivement le crépitement des flammes, renvoient à la force du feu comme élément constitutif de l’univers.

21’45 -> DUE ATOMI DI IDROGENO E UNO DI OSSIGENO (2024)

L’œuvre, commandée par l’association culturelle Tramedarte, a été composée pour la Journée mondiale de l’eau et a été jouée le 22 mars 2024 lors de l’événement Acquamontana à Organica, le musée d’art environnemental situé à Curadureddu, Limbara Park, Tempio Pausania.
Le thème de l’événement était l’eau. L’origine de cette précieuse ressource n’est pas certaine ; en fait, de nombreuses théories ont été formulées. L’une d’entre elles affirme qu’elle est d’origine interstellaire et qu’elle est arrivée sur Terre grâce à des météorites. D’autres théories affirment qu’il pourrait s’être formé à partir de la matière organique qui a donné naissance au système solaire. Quoi qu’il en soit, il est certainement à l’origine de notre existence, mais nous ne savons pas comment elle est répartie dans l’univers.
Alors que nous le tenons pour acquis, les scientifiques espèrent en trouver des traces sur d’autres planètes.
Mais que se passerait-il si cet élément venait à manquer ? Et si nous gaspillions toute l’eau de la planète ?
Et si, à cause du réchauffement climatique, elle s’évaporait et retournait dans les étoiles d’où elle vient, comme cela s’est peut-être produit sur Mars ?
Le titre, qui fait clairement référence à la chimie, renvoie à l’activité du compositeur électroacoustique, qui étudie, analyse et combine des sons harmonieux, réalisant la synthèse du son, comme le chimiste le fait avec les molécules, les atomes, etc.
La pièce, composée à partir d’une série d’enregistrements environnementaux réalisés à la fontaine Ea Beddha
qui se jette dans le Riu Pagghjolu, et à la fontaine Di Li Frati, sur le mont Limbara, est structurée en trois parties et vise à guider l’auditeur à travers trois sections différentes avec une intention narrative.
La première partie est composée de bandes sonores synthétiques au rythme lent, qui évoquent l’origine de cet élément dans un espace indéfini et dans un temps ancien avant d’arriver sur notre planète.
La deuxième partie est composée d’objets sonores concrets, où émergent les infinies nuances timbrales de l’eau. Cependant, les traitements sonores ne manquent pas, ce qui coïncide avec la présence humaine sur Terre, qui altère parfois dangereusement l’équilibre des écosystèmes.
Enfin, la pièce se termine par une section de sons synthétiques, différents de ceux présents dans la première partie, qui évoquent cette fois le passage de l’eau de la Terre vers de plus grands espaces et des lieux inconnus, peut-être ceux-là mêmes où elle s’est formée et où elle retournera lorsque son séjour sur notre planète ne sera plus possible.

30’55 -> NELLO SPAZIO SOMMERSO (2005)

La pièce électroacoustique s’inspire du fonctionnement de l’esprit humain et des sciences cognitives, qui ont pour objet l’étude d’un système de pensée.
Un voyage imaginaire à l’intérieur de l’esprit humain peut être la tentative de trouver un espace submergé :
La logique et l’irrationalité coexistent dans sa structure, parfois de manière concrète, parfois de manière imperceptible, rendant nécessaire la boussole qui conduit inexorablement à la réalité de ce qui a déjà été exploré : la surface qui supporte la connaissance humaine.

35’40 -> LO STRAPPO NEL CIELO DI CARTA (2018)

La pièce s’inspire du roman de Pirandello « Il fu Mattia Pascal » (Feu Mattia Pascal), en particulier du chapitre 12, où l’auteur décrit le « trou déchiré dans le ciel de papier » comme la circonstance qui surprend soudain la marionnette dans son théâtre. La métaphore, lorsqu’elle est rapportée à l’homme, suscite une réflexion sur le sens du mot « dimension ». L’homme moyen est protégé par une réalité proportionnée à sa taille. Mais que se passerait-il s’il était soudainement projeté dans une réalité plus grande, sans limites, où ses repères habituels sont renversés ou perdus de vue ? Ce changement modifierait-il l’homme et sa vision du monde ?
Le paysage sonore représenté dans la pièce doit être compris, dans ce cas, comme celui d’un lieu intérieur qui change soudainement, révélant de nouveaux espaces et de nouveaux états d’esprit.
Le projet du compositeur est d’apprendre à connaître ces nouvelles réalités à travers un long voyage qui explore tous les méandres de l’inconscient jusqu’au moment du changement, du « trou déchiré » qui transforme peu à peu ceux qui en font l’expérience.

50’25 -> SGUARDO CONTEMPORANEO (2006)

Cette pièce est inspirée par la vie urbaine et la pollution. Les gaz d’échappement et les déchets modifient
l’aspect d’une ville à tel point que les traces du passé ne subsistent que dans la mémoire.
L’image de ce qu’était le monde physique se superpose à ce qu’il est aujourd’hui, pollué et donc altéré.
La mémoire filtre les « ajouts » et agit comme une sorte de « poubelle » virtuelle qui redonne à l’environnement sa valeur d’origine. La question qui se pose est la suivante : qu’est-ce qu’un regard contemporain transmettrait-il ? Les jeunes générations sont-elles capables de s’opposer aussi fortement et de ressentir le même malaise que ceux qui ont la mémoire historique ?

58′ -> IL NASTRO DI MÖBIUS (2013)

Le ruban de Möbius, surface géométrique « continue », est universellement utilisé comme symbole du recyclage et, par conséquent, avec toutes les transpositions qui s’imposent, il exprime pleinement le concept musical de la cyclicité.
Dans ce sens, cette œuvre a utilisé des matériaux sonores concrets qui évoquent le traitement des déchets industriels, mais aussi des objets sonores les plus courants, qui ont été
traités par l’utilisation de boucles, d’accumulations rythmiques et de re-propositions de « thèmes ». L’intention de la composition est de ré-assembler les objets manipulés, afin de concevoir un paysage sonore contemporain, qui fait partie intégrante de notre vie quotidienne.

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ÉLÉMENTS
Marco Dibeltulu (Alghero, Italie, 1971) a étudié au Conservatoire de Cagliari la composition,
la musique chorale et la musique électronique (avec Francesco Giomi, Sylviane Sapir et Elio Martusciello).
Il est également diplômé en pédagogie de la musique au conservatoire de Sassari.
Il enseigne les technologies musicales au Liceo Musicale « D. A. Azuni » de Sassari.

Ses compositions ont été sélectionnées dans de nombreux concours, dont le 24e concours international de musique électronique « Luigi Russolo » – Varese ; CALL 2006, 2014 – Federazione CEMAT, Rome ; 6e concours international d’informatique musicale « Pierre Schaeffer » 2007 (1er prix) – Pescara ; 360 degrés 60×60 – Vox Novus, New York City ; ICMC 2012 – Ljubljana ; EMUFest 2012 – Rome ; NYCEMF 2014, 2015 – New York City Electroacoustic Music Festival ; MA/IN 2017 – MAtera INtermedia Festival – Matera ; Soundcinema Düsseldorf 2022 (1er prix) ; San Francisco Tape Music Festival 2023.

Il a participé à de nombreux festivals : Synthèse – Bourges ; Biennale di Venezia online ; Rifiuti preziosi
– Palazzo Strozzi, Florence ; ArteScienza 2006 – Rome ; Zeppelin 2008 – Barcelone ; Primavera en La Habana 2008 ; CONCERTS DE BRUITS : PIERRE SCHAEFFER 1948- 2008 – Centro Tempo Reale, Florence ; Audio Art Circus 2008 – University of Arts, Osaka ; Raum-Musik – Musiksaal, Université de Cologne ; 60×60 Dance – Theatre Square, Londres ; 60×60 Video – Audiograft – Oxford Brookes University ; AKOUSMA XV – AKOUSMA_INTERNATIONAL – Montréal ; Audio Art 2021 (CIME Concert) – Cracovie.

www.marcodibeltulu.it
soundcloud

 

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